
« Pour l'instant encore, tout va bien » : c'est par cette formule ambiguë que les observateurs du marché de l'emploi Achats résument la situation en cette fin 2011. Le dernier indicateur Apec des offres d’emplois cadre fait pourtant preuve d'optimisme. Globalement, sur les douze derniers mois, de décembre 2010 à novembre 2011, le marché de l'emploi cadres enregistre une progression de + 62% - comparé à la même période antérieure. Les Achats affichent une plus belle croissance encore, de + 82% pour le même cumul de douze mois. En novembre 2011, l'Apec a ainsi relayé pour la seule catégorie Achats quelque 785 offres de recrutement !
On recherche des « savoir-être »
Les tendances de l'emploi cette année semblent confirmer un déplacement des offres vers l'indirect. « C'est un mouvement de fond, assure Luc Mora, cofondateur du cabinet de recrutement Big Fish. Nous constatons une progression des demandes vers l'indirect et elles sont de plus en plus spécialisées. Quand un profil généraliste était auparavant accepté, on recherche aujourd'hui un spécialiste précis, de la logistique, du marketing ou même de l'événementiel.» Avec la professionnalisation du métier d'acheteur, la maîtrise des leviers Achats est un pré-requis pour les recruteurs. Leurs demandes portent ainsi avant tout sur des compétences plus spécifiques.
Pour les postes de direction, un autre phénomène s'amplifie : devenu stratégique, la direction achats doit être assurée par un manager empathique et capable d'échanger avec tous ses pairs de l'entreprise, de la direction commerciale à la direction financière. « Pour la première fois en 2011 on m'a indiqué, pour un poste de management : si ce n'est pas un acheteur au départ, ce n'est pas grave. Le recruteur recherchait avant tout un savoir-être » s’étonne Luc Mora. Olivier Baujard, directeur associé de Factea France, partage cette analyse : « je constate dans mon entourage que pour les postes de direction, que les qualités « soft », comportementales priment sur les qualités techniques, purement Achats. Les profils recherchés montent en gamme ».
Du côté des jeunes diplômés, la question se pose de savoir quel sera leur avenir à moyen terme. « La fonction Achats a toujours un très fort potentiel. Mais il est vrai que l'évolution se fait vers le haut, explique Jean Pierre Rivard, président de la délégation Ile de France Nord Picardie de la CDAF. Et avec la tendance à la désindustrialisation, on peut s'attendre à trouver moins de postes d'acheteurs, mais plus qualitatifs. » Une autre tendance, celle de l'externalisation, fait craindre la réduction des équipes internes. Des signaux qui pousse Luc Mora à mettre en garde la profession : « Il y a une vie après les achats, lance t-il. Le métier se standardise alors il faut prévenir les jeunes d'un tassement possible. »

Dans le brouillard
Ces mises en garde ne sont pas sans aller avec le contexte très particulier du moment. Une vraie incertitude s'est diffusée dans la fonction. Jean-Pierre Rivard insiste sur cette impression de brouillard. « J'ai rarement vécu une telle situation. Quand on fait un appel d'offres, on se voit proposer des options très très courtes. Les fournisseurs annoncent des prix valables 24 heures et même parfois moins : récemment on m'a proposé un prix sur un créneau de 6 heures seulement, annonçant qu'ensuite le prix augmenterait. Et à l'inverse d'autres fournisseurs préviennent qu'il vaut mieux attendre quelques jours pour passer commande, pour profiter d'une baisse de prix. Cet exemple est symbolique de la période fébrile que vivent les directions Achats. »
Cet avis est largement partagé dans la profession. « Jusqu'ici tout va bien, les demandes de recrutement n'ont pas particulièrement baissé. Mais tout le monde a l'impression diffuse que, comme dans un dessin animé de Tex Avery, nous sommes au-dessus du vide sans s'en être encore aperçu ! », lance Luc Mora.
La machine économique continuant de tourner, la situation est parfois ubuesque. « Dans la fonction nous avons énormément de travail, les carnets de commande sont pleins à craquer. Théoriquement, cela devrait au moins booster les postes en intérim. Mais en même temps, personne n'est capable de se projeter à plus de 3 mois. Nous sommes dans une forme d'attentisme », poursuit Jean-Pierre Rivard.
Personne n'est dupe : il faut envisager le ralentissement des recrutements dès le début de la nouvelle année. « On s'attend très clairement à une année difficile », conclut Luc Mora.
Dans notre prochaine édition : l’étude 2012 eAchats 360°
Mi-janvier paraîtra la cinquième édition de l’étude exclusive eAchats 360°, réalisée par votre newsletter eAchats-infos avec la collaboration de l’IMA (Université Léonard De Vinci).
Interrogeant à la fois les fournisseurs de solutions eAchats et les grandes directions Achats sur leur vision et leurs projets pour les 6 à 18 mois à venir, nous verrons précisément quel est l’impact de la conjoncture actuelle sur les embauches et sur les investissements.
Pour tout renseignement : eachats@wanadoo.fr