
L'année 2011 aura été une année de croissance, déclarent presque à l'unanimité les éditeurs de solutions e-Achats. « L'année dernière s'est très bien déroulée, note Patrick Chabannnes, Business Development Manager d'Ariba, avec en France la signature de onze nouveaux clients, des grandes comptes mais aussi des sociétés de tailles plus modestes. » Ariba s'est fortement renforcé en 2011 en terme de facturation électronique grâce au rachat de la société B-process. Au global, le groupe annonce une croissance de 15% - en dehors des acquisitions - mais les chiffres français ne sont pas communiqués.
Ivalua pour sa part indique avoir signé une vingtaine de nouveaux clients, avec de grandes références comme Valéo ou GrDF. « Nous avons réalisé une quinzaine d'embauches (l'effectif est de 75 personnes ndlr) dont la moitié aux États Unis », précise Gérard Dahan, vice président marketing et communication d'Ivalua.
Même tendance avec Franck Letendre, le vice-président Western Europe de Synertrade. Il compare 2011 à un bon cru, avec une douzaine de nouveaux clients supplémentaires. Vincent Ehrstrom, le directeur marketing d'Itesoft relaie également cette étrange impression de non-crise.
Croissance tranquille ?

Dans certains secteurs des achats, des fléchissements se sont clairement fait sentir. C'est le cas pour le transport. « 2011 a été une année paradoxale, explique Jérôme Bour, PDG de DDS Logistics. En milieu d'année, nous avons ressenti un ralentissement très clair : la crise grecque a soudainement provoqué le décalage de tous les projets. Cela m'a rappelé 2008. Et puis l'année s'est très bien terminée, la zone euro n'a pas explosé, et même si les fondamentaux économiques ont été revus à la baisse, tous les dossiers reportés ont été signés en fin d'année.
Les cabinet conseils spécialisés ont aussi perçu 2011 comme une année dynamique. « La période d'attente des années 2008/2009 a provoqué des retards dans les investissements en conseil et nous avons tous profité d'un effet de rattrapage », analyse Arnaud Salomon, directeur associé de CKS. Dans certains secteurs, le report a même été très bénéfique : « Nous avons réalisé 30% de croissance, soit 15% de plus par rapport à nos objectifs, explique Pierre Rougier, associé fondateur de Kepler. Nous avons constaté le grand retour des missions dans le secteur de l'automobile, les équipementiers surtout. Ils avaient fortement réduit leurs investissements depuis la crise. Par ailleurs, notre activité a été tirée par des sujets de réorganisation internationale. » Le cabinet Kepler, de 35 consultants au total, s'appuie en effet sur sa stratégie d'extension en Asie : son bureau chinois regroupe 10 personnes et son implantation indienne 4.
La prime aux spécialistes

Malgré ce bilan souriant, tous les acteurs des eAchats craignent un 2012 bien moins euphorique. Le déclassement il y a quelques jours par Standard & Poor's de la France et de huit autres pays de la zone euro, ne pourra que renforcer cette inquiétude sourde de malaise financier et de crainte de nouvelle crise économique. « Il y a un décalage entre la situation globale et la perception de nos activités actuellement», confie Leila Cardot-Fahas, associée au sein de Logica Business Consulting. D'ailleurs, on s'attend tous à une année 2012 plus difficile et à une pression accrue sur les prix de la part de nos clients. Enfin, je pense qu'il y aura une concentration du marché, du moins la disparition de petits acteurs, consultants
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solos ou petits cabinets. »

En 2012, l' évolution du marché va avant tout porter sur la nature des missions. « La maturité des services Achats a sensiblement augmenté, remarque Arnaud Salomon de CKS. Ils recherchent plus que jamais l'intervention de spécialistes, des conseils très ciblés, sur certaines catégories d'achat par exemple, et ils veulent un suivi précis du ROI de la mission. » Dans les attentes actuelles, Leila Cardot-Fahas note avec pertinence la montée des préoccupations en terme de prévention des risques. « Le printemps arabe ou le tsunami au Japon ont eu des impacts sur certaines chaînes de production. L'importance des enjeux de la prévention des risques a été mis à jour par ces événements. Par ailleurs, la fonction Achat cherche aussi, comme les autres directions de l'entreprise, la R&D, le marketing, la DSI ou la production, à participer à l'innovation. »
Jeux tactiques

Le marché des outils d'eAchats en 2012 pourrait être plus mouvementé que celui du conseil. L'arrivée de nouveaux acteurs, américains ou nordiques, semble envisageable à plusieurs intervenants français, même si quelques_uns pensent que l'Europe présente aujourd'hui trop de risque aux yeux des étrangers pour constituer un vrai terrain d'investissement. Sur certains secteurs pourtant, cela semble être une évidence. « Nous nous attendons à l'apparition d'un concurrent direct en France, lance Bruno Chauliac, directeur d'Adoria - MdB Procurement, éditeur d'une solution d'approvisionnement pour la restauration et l'hôtellerie. « Par ailleurs, les marchés publics vont faire une pause dans leur évolution dans l'attente du résultat des élections », souligne t-il.
Quant au contexte de marché, on s'attend en 2012 à une année erratique. « Cela va être un marché d'aubaines, un marché très tactique, résume Franck Letendre, EVP de Synertrade. Dans les périodes de crise, les entreprises sont parfois tentées de développer de gros programmes, de remettre tout à plat. Je crois pourtant que 2012 va être attentiste à cause de l'élection présidentielle et du climat social tendu. Je pense que les achats seront sous tension mais perçus comme source d'économies. »
L'ombrelle du professionnalisme

Au delà de la situation macro-économique du pays, la professionnalisation des achats envoient des signaux positifs au marché. Le mode SaaS, même s'il provoque toujours de longs débats parmi les acteurs, qui s'accusent les uns les autres de ne pas réellement le pratiquer, semble pourtant intégré par les clients, qui veulent avoir accès en permanence à un outil à jour. « Nos clients ont clairement mûri sur le sujet; nous n'avons plus besoin d'expliquer ce dont il s'agit », confirme Jérôme Bour de DDS Logistics. Les éditeurs espèrent d'ailleurs que l'effet de crise sera atténué par le SaaS, qui ouvre le marché de l'eAchats aux PME et qui réduit de lourds frais d'investissements initiaux.
La professionnalisation de l'achat signifie également le besoin croissant de modules de gestion de projets. Les services Achats souhaitent des outils de planification, de gestion de ressources, pour piloter leurs projets achats.
Du côté de la dématérialisation, le marché ressent aussi une évolution importante : « Auparavant, les entreprises s'intéressaient à la dématérialisation uniquement dans l'idée de faire des économies, de réduire leurs volumes et leurs coûts. Maintenant elles prennent conscience que ce service contribue à la satisfaction de leurs clients finaux et qu'il peut même constituer un avantage concurrentiel », explique Vincent Ehrstrom, directeur marketing d'Itesoft.
On veut du réseau social...
Fonctionnalités spécifiques intéressant un tiers des directions Achats (IMA)Au niveau des attentes des acheteurs, la thématique globale de la communication - entre les acheteurs et les clients internes, entre la direction Achat et les autres directions, et entre le service Achat et tous ses interlocuteurs externes – est à la mode. « Nos clients souhaitent mieux gérer la communication avec leurs fournisseurs à travers un espace apportant standardisation, structure et transparence. Le pari 2011 a été d'associer cette attente à l'aspect communautaire pour inciter un plus grand nombre à partager. Et désormais acheteurs et fournisseurs veulent interagir en dehors du cercle "strict" de l'achat : pour mieux encadrer les projets, intégrer la collaboration très en amont, fonctionner en mode d'entreprise étendue », détaille François d'Ivernois, General Manager de MFG.com.
...Et de l'ergonomie !

Les usages numériques personnels d'échanges instantanés et de partage d'informations et de documents, montrent la voie aux entreprises. Les réseaux sociaux internes, encore rares en France, font cependant partie des priorités de communication dans les années à venir.
Cette tendance n'échappe pas aux Achats et aux outils d'eAchats. Elle incite tout d'abord les clients acheteurs à réclamer des outils vraiment simples d'utilisation – comme ceux que tout le monde utilise à titre privé. Car le succès d'un outil ne se résume qu'à un seul indicateur : son taux d'utilisation. « L'appropriation de l'outil par les utilisateurs, la réussite du déploiement, le volume réalisé via la plateforme, la flexibilité du nombre de catégories : voilà quelles sont les problématiques des acheteurs aujourd'hui. Et ce sont les mêmes qu'il y a 10 ans ! », remarque Gérard Dahan d'Ivalua. « Nos clients veulent des outils ergonomiques, plus faciles, plus simples et qui correspondent à leur besoin réel. Et ils veulent aussi administrer la plate-forme eux-mêmes. Dans une conférence, j'ai entendu un acheteur résumer avec humour son impression : on essaye de nous vendre une Rolls, a t-il expliqué. On a pourtant besoin d'une Ford. Et à la fin, on paye pour une Jaguar... »
Au-delà des murs
La première grande attente porte donc sur des outils simples à utiliser, à paramétrer et à consulter sur tout type de support. La seconde attente, toujours sous influence des usages privés, porte sur le renforcement des échanges. « Les achats n'agissent pas tout seuls ! On travaille sur un réseau social, pour que les clients Ariba débattent entre eux et se proposent mutuellement des innovations ainsi que sur une base fournisseurs que nos clients peuvent interroger, explique Patrick Chabannes. Nous pensons que l'avenir des achats se trouve bien au-delà des quatre murs du service Achats et qu'il va y avoir progressivement une totale électronisation de l'ensemble des échanges qui font le commerce. »
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