L'objectif de ce groupe bancaire était limpide et, à première vue, assez simple : migrer via un système informatisé les demandes d'achats des prescripteurs jusqu'aux acheteurs. Après quelques années de mise en place, c'est un vrai succès du côté des prescripteurs. La majorité de leurs demandes est en effet directement saisie dans l'outil. En revanche, du côté des acheteurs, un vrai blocus s'est organisé contre ce nouveau process : ce n'est pas à eux, ont-ils clairement indiqué, de suivre la qualité de réception des demandes et de saisir des bons de commande. Pour résoudre la situation, la solution trouvée par l'entreprise semble kafkaïenne. La direction achat a confié à une cellule interne le soin de réceptionner les demandes d'achats. Elles sont ensuite imprimées et transmises aux acheteurs en fonction de leurs périmètres d'intervention. Puis, au moment de la conversion de ces demandes en commandes ou contrats, les acheteurs reviennent dans l'outil. Le frein à l'utilisation d'un outil atteint ici son paroxysme... « Les acheteurs ont considéré que l'outil imposé n'apportait rien à leur métier, analyse David Lachowsky directeur chez Axys Consultants. Cela montre à quel point il faut s'appliquer à bien analyser en amont les écarts entre les fonctionnalités proposées et les processus achats réels. »
Les vrais usages
Pour éviter un rejet et/ou une future utilisation médiocre, une double équation doit être posée : « Est-ce l'outil qui va s'adapter aux procédures d'achats de l'entreprise ? Et dans ce cas, il faut veiller à bien concevoir les fonctionnalités. Ou va-t-on standardiser les processus en s'adaptant au nouvel outil choisi ? Les acheteurs devront alors être associés très tôt au projet », résume David Lachowsky. Le travers classique consiste en effet à adopter une approche purement financière. « En prenant ce positionnement, les famille d'achats de l'outil, calquées sur des catégories comptables, peuvent ne pas être adaptées à la réalité du travail des acheteurs, » remarque Anne Marie Guillemoteau, directeur conseil responsable offre SRM chez CGI, qui note par surcroît que les directions achats ont toujours des difficultés à se faire entendre par les DSI.
Ce genre d'erreur a été fréquent au début des années 2000 pour les outils d'e-procurement de 1ère génération. Les acheteurs les voyaient d'un mauvais œil, sans valeur ajoutée pour leur travail. La conséquence immédiate d'un manque de concordance fonctionnelle de l'outil s'est alors traduit par un taux d'utilisation vraiment peu concluant.
Pour mesurer le niveau d'utilisation, on s'appuie sur de grands indicateurs : « la couverture des dépenses, le nombre de BU couvertes, le nombre d'utilisateurs actifs (au sein de la communauté achat mais également par les prescripteurs), le nombre d'actes réalisés dans l'outil, le nombre de fournisseurs actifs. Il est également intéressant de mesurer la profondeur des fonctionnalités déployées, que l'on peut suivre par le nombre et le niveau des utilisateurs (simples, intermédiaires, avancés) ou le nombre de modules réellement utilisés », détaille Jean-Baptiste Lendrin, directeur associé chez Buy.O. Le curseur d'un bon ou mauvais niveau d'utilisation est d'ailleurs propre à chaque entreprise. « Un autre point de mesure peut être le niveau de participation des filiales, avec le volume d'achats issus des filiales dans le volume global », suggère Gérard Dahan, directeur de la communication et du marketing opérationnel d'Ivalua. Et les outils de reporting permettent de descendre au besoin dans le détail d'activité de chaque acheteur : « Notre outil mesure la performance de l’acheteur, le suivi des gains générés, les gains engendrés par la négociation ou par les leviers d’amélioration qu’il a utilisés sur la période donnée », précise Gérard Dahan. La mise en place de certains ratios ne doit cependant pas occulter d'autres bienfaits des outils d'e-achats. « Le niveau d'économies réalisées en cas d'appels d'offres via les outils d'e-sourcing est souvent mesuré. C'est un indicateur intéressant mais il reste insuffisant pour mesurer l'ensemble de la valeur de ces outils. Car leurs bénéfices résident aussi dans une meilleure circulation et capitalisation de l'information, une plus grande traçabilité des actions ainsi que dans le développement du travail collaboratif entre les fonctions et au sein de l'organisation achat », note Jean-Baptiste Lendrin.
Imposer ou inciter
Aux premiers mois du déploiement, de grands indicateurs d'utilisation s'avèrent néanmoins indispensables, afin, en cas de besoin, de rectifier la stratégie d'adoption. Dans un grand groupe européen, pendant quatre ans, 5% seulement du volume des achats passait par une plate-forme flambant neuve. Ediifante, cette mesure brute prend ici tout son sens ! Lire la suite...